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De Coca-Cola à Airbnb, qu’est ce qui rend une marque iconique ?
Publié par Clément Fages le
Vice-président en charge de la publicité chez Coca-Cola puis CMO d’Airbnb, Jonathan Mildenhall revient à l’occasion du Marketo Marketing Nation Summit sur les ingrédients marketing qui permettent à une entreprise d’apposer durablement sa marque sur une génération entière.
Qu’est-ce qui permet à une marque de laisser son empreinte sur une génération entière ? C’est la question posée par Jonathan Mildenhall, nommé l’an dernier par Forbes parmi les CMO les plus influents du monde et qui vient à peine de quitter la direction marketing d’Airbnb tout en restant impliqué dans son développement. Lors d’une keynote tenue à l’occasion du Marketing Nation Summit de Marketo, consacré cette année à la peur dans le marketing, il a rappelé que l’audace était l’ingrédient incontournable des marques iconiques qu’ont pu être Coca-Cola dans les années 80, Nike dans les 90 et Apple la décennie suivante.
« Il y a trente ans, Nike était l’une des premières marques à s’approprier la culture afro-américaine, le basket et le hip-hop, pour devenir un phénomène mondial. Et imaginez les gens d’Apple, tellement audacieux qu’ils n’ont même pas mis leur logo ou le nom de l’iPod sur les premières publicités du produit… Moi-même quand j’ai quitté TBWA London pour postuler chez Coca-Cola, il m’a fallu une bonne dose de courage. Je me suis demandé comment j’allais pouvoir proposer quelque chose de neuf à une marque qui a défini dans les années 80 ce qu’était une marque et même ce qu’était le marketing ! Alors je me suis rendu aux archives de Coca-Cola: c’est sans doute les archives de marque les plus chères du monde, il y a des originaux d’Andy Warhol la-dedans ! Et je suis tombé sur une publicité de 1969… », raconte l’ancien vice-président en charge de la publicité chez Coca-Cola, qui prend alors le temps d’expliquer l’importance pour une marque d’avoir un produit tout de suite identifiable, avec une promesse de marque basique comme accompagner une pratique sportive ou l’écoute de la musique, ou simplement étancher sa soif. Mais elle doit être entourée par une promesse de marque bien plus grande: faire rayonner une culture, son goût pour l’innovation ou tout simplement le vivre-ensemble.
L’audace et les messages précurseurs de Coca-Cola
« Connaissez-vous la relation particulière qui unit Martin Luther King et Coca-Cola ? Ils sont tous les deux nés à Atlanta. Quand le premier a gagné un prix Nobel en 1964, un dîner interracial a failli être annulé devant le boycott des patrons blancs, et il a fallu que le CEO de Coca-Cola menace de quitter la ville pour qu’il ait lieu. Aussi, après que le pasteur a lui-même appelé au boycott de Coca lors de son dernier discours, le CEO de l’entreprise a indiqué à son board l’année suivante que l’entreprise devait plus s’adresser aux minorités. Cela a donné une publicité très forte, des jeunes blancs et noirs buvant un Coca-Cola, coude à coude sur un même banc, ce qui avait été longtemps interdit par la ségrégation. »
Un concept que le publicitaire a réutilisé en 2013 pour créer un dispositif à cheval entre l’Inde et le Pakistan, en guerre larvée depuis des décennies à propos du Cachemire: deux distributeurs reliés entre eux grâce à des caméras et placés dans des malls encourageaient les habitants des deux pays à échanger autour d’un Coca. La même année, Coca-Cola présentait la publicité « America The Beautiful » lors du Super Bowl, une ode aux différentes communautés qui ont fait les Etats-Unis. « Les retombées ont été colossales, notamment grâce à ceux qui ont critiqué Coca pour avoir détourné l’hymne nationale… Mais toutes les marques n’ont pas le budget marketing de Coca-Cola ! », enchaîne Jonathan Mildenhall, qui a rejoint Airbnb l’année suivante, en 2014.
Pour faire d’Airbnb la marque générationnelle des années 2010, à l’origine d’une nouvelle façon de voyager et en phase avec l’ubérisation d’une partie de l’économie, l’entreprise a multiplié les coups marketing comme la reproduction grandeur nature de la chambre de Van Gogh pour le compte de l’Art Institute de Chicago, lequel a mis la chambre en location sur la plateforme. « Le musée a connu une hausse de ses entrées de 250% et a battu son record d’audience des 15 dernières années. » Et alors qu’Airbnb a accumulé les retombées presse en 2016 grâce à la location par Beyoncé d’une villa à 10 000 dollars la nuit en marge du Super Bowl, la marque a commencé à réutiliser les contenus des stars se filmant et se photographiant dans ses locations.
La créativité au détriment du budget pour Airbnb
De l’UGC de luxe, qui donne à Airbnb l’idée d’organiser un nouveau coup pour la cérémonie des Oscars 2016, en retrouvant ou reproduisant des lieux mis en avant dans des films comme Mad Max, The Revenant ou encore Star Wars et Avatar pour les mettre en location. « J’ai dit à mon équipe: pas besoin de dépenser les 2,5 millions de dollars que coûte un spot de publicité TV autour de la cérémonie. Vous obtenez un plus grand impact en utilisant simplement 250 000 dollars et votre créativité », explique l’ancien CMO. Membre d’une association de lutte contre les discriminations dans la publicité, il a eu l’occasion de renouer avec cette thématique l’an dernier. En 2016, plusieurs affaires de discrimination envers des Afro-Américains ont visé des utilisateurs d’Airbnb et donné naissance au mouvement #AirbnbWhileBlack. Une polémique à laquelle la marque répond l’année suivante avec « sans doute le spot le moins cher à produire dans l’histoire des publicités du Super Bowl », qui a eu une résonance mondiale suite à l’élection de Donald Trump. Et un autre hashtag, #WeAccept, qui illustre « une philosophie universelle qui transcende le business ».